Non informés sur les produits d’artisanat tunisiens, certains touristes n’hésitent pas à acheter des objets décoratifs fabriqués ailleurs. En fait, les produits d’artisanat étrangers, notamment ceux fabriqués en Asie, concurrencent sérieusement les produits tunisiens. D’où le manque à gagner pour les artisans tunisiens.
En cette journée automnale, des touristes de différentes nationalités affluent vers les échoppes vendant les produits d’artisanat dans le souk de Tunis. Chaque touriste essaye d’emporter avec lui un souvenir de la Tunisie dans laquelle il a passé un séjour de quelques jours. Les produits d’artisanat constituent un souvenir qui mémorise un voyage dans un pays donné. Encore faut-il que ces produits soient authentiques et reflètent bien la civilisation du pays et sa culture ancestrale. Or, l’on constate, dans nos souks, des produits d’artisanat étrangers provenant notamment de certains pays asiatiques qui sont mêlés avec les produits de fabrication tunisienne. Inconscients, pour la plupart, les touristes achètent les objets artisanaux provenant d’autres pays croyant qu’ils sont fabriqués dans notre pays.
Dans le souk artisanal de Tunis, les artisans exposent un ensemble de produits dont des bijoux de diverses dimensions fabriqués en argent. Les touristes s’attardent devant les artisans en train de ciseler et de dessiner des images sur des assiettes en cuivre. Ces artisans travaillent toute la journée pour confectionner des objets décoratifs qui sont authentiques et rappellent bien la vie tunisienne dans la campagne ou dans l’ancienne médina. Les prix différent d’un artisan à l’autre, mais la qualité est presque la même.
Des magasins agréés et fiables
L’un des artisans propose, pour couper court au marché parallèle et à l’invasion des produits venus d’ailleurs, de généraliser les magasins agrées par le ministère du Tourisme et de l’Artisanat. « Ainsi, les autorités compétentes auront la possibilité d’effectuer un contrôle permanent au niveau de la qualité et des prix et d’éviter l’entrée dans notre marché des produits d’artisanat fabriqués en Asie, par exemple », estime notre interlocuteur. En principe, chaque pays dispose de ses produits d’artisanat qui représentent son identité et les spécificités de sa civilisation. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que chaque touriste souhaite, avant de rentrer dans son pays d’origine, emporter avec lui un objet artisanal.
Parmi les produits les plus achetés par les touristes, selon cet artisan, c’est le tapis kairouanais avec ses dessins multicolores très appréciés par les invités de la Tunisie. Certains touristes préfèrent acheter une darbouka, qui est fabriquée dans les ateliers locaux à Tunis ou dans les régions intérieures du pays. La poterie, notamment celle de Nabeul, occupe également une place de choix dans les objets commercialisés par les artisans qui utilisent toutes les astuces pour attirer et séduire les clients potentiels. Ainsi, ces derniers sont invités à visiter le magasin avec des promesses de faire une réduction des prix de vente. Les artisans savent parler plusieurs langues comme le français, l’anglais et même l’allemand.
Certains artisans ne trouvent aucun inconvénient pour mêler les produits fabriqués à l’étranger à ceux travaillés en Tunisie. Ils ne conseillent même pas les touristes à acheter le produit tunisien. L’un des artisans reconnaît cet état de fait : « L’essentiel pour l’artisan est de vendre le maximum de produits quelle que soit leur origine. Il est soucieux de faire des bénéfices même s’il vend des objets venus d’ailleurs. D’ailleurs, les produits tunisiens n’ont pas enregistré l’évolution escomptée et n’intéressent pas un grande partie des touristes ».
Faire preuve de créativité
Pourtant, l’Office national de l’artisanat (ONA) déploie des efforts depuis des années pour accompagner les artisans afin d’améliorer leur production en faisant preuve de créativité. C’est un travail de longue haleine qui nécessite l’adhésion de toutes les parties prenantes y compris les artisans dans les régions dont certains ne sont pas connus de la part des autorités compétentes. Dans le souk de Tunis, on remarque que certains artisans se contentent de commercialiser des produits fabriqués ailleurs alors que d’autres exercent deux métiers en même temps à savoir la fabrication et la commercialisation. Les activités effectuées à l’atelier du magasin concernent la bijouterie, la tapisserie et les objets décoratifs divers y compris la poterie. Le touriste peut assister à la fabrication de son produit depuis le début. En quelques heures, certains produits peuvent être préparés selon le goût du client.
Les tapis prennent, quant à eux, beaucoup plus de temps et peuvent être tissés par plus d’une artisane. Chaque région est connue par ses produits spécifiques. C’est ainsi que Kairouan est réputé pour ses tapis traditionnels alors que Nabeul s’est spécialisé dans la poterie. Mais d’autres régions fabriquent aussi ces produits très sollicités par les touristes. « Il est nécessaire de cibler les touristes arabes et notamment ceux provenant des pays du Golfe qui ont une capacité dépensière importante, estime un artisan. C’est pour cela qu’il faut étudier les besoins de ces touristes afin de fabriquer des produits répondant à leur goût et à leurs désirs ».
Le tissage et la confection occupent également une place de choix dans l’artisanat tunisien. Les articles les plus vendus dans ce domaine sont les jebbas pour femmes ou pour hommes même si leurs prix sont élevés surtout s’il s’agit d’un article émaillé par des atours. Cela n’empêche pas les touristes à payer le prix fort pour acheter de tels articles. Il s’est avéré que certains produits artisanaux connaissent une stagnation au niveau des ventes et risquent de disparaître du marché comme les selles et les chéchias qui ne sont pas portés par les Tunisiens et encore moins par les touristes étrangers, et ce, malgré les améliorations introduites pour encourager les ventes.
De l’avis de plusieurs artisans, le secteur de l’artisanat a besoin, en fin de compte, d’une organisation à large échelle pour lutter contre certains phénomènes comme le marché parallèle, la contrefaçon et surtout la vente des produits étrangers dans nos magasins. Les prix sont également source de différends entre clients et vendeurs qui affichent, parfois, des tarifs hors de portée, ce qui décourage certains touristes à acheter.